Un repos bien mérité

Un dernier combat, une dernière chasse, une dernière promenade avec ma douce et me voilà de retour à la cabane des Ascètes.

J’ôte mon armure, dépose mon bouclier et range mon épée. J’entrepose ça dans un coin de notre demeure. Ils y resteront quelques temps. Je me vêtis de ma vielle chemise usée et de mon pantalon en toile, ramasse ma pipe et sors sur le perron de notre demeure.

« Le temps est venu de prendre un peu de repos et de recul, vieille carcasse » ai-je pour pensée. Quoique cette fameuse carcasse se voit vivre une seconde jeunesse.

Je m’assois à même le sol et allume ma fidèle pipe. Je recrache lentement la fumée et me détend…enfin…

Des mois que je n’avais pas pris de temps pour moi, loin de la guerre, loin des joutes politiques, loin des combats.

Un signe de fatigue ? Probablement pas…la simple envie de profiter….De m’occuper de notre maison, de ma famille et d’Iryllia. Pour une fois, ce sera moi qui serai là aux retours des combats, un feu de bois accueillant dans notre demeure, quelques mets préparés et des boissons revigorantes.

D’un geste de la tête, je regarde notre toiture. Voilà de quoi m’occuper pour quelques semaines. Les pressions féminines l’ont finalement emporté, et je ferai quelque chose pour éviter la pluie.

Pour quelques semaines, je serais l’homme à tout faire de la cabane….

Je reste là assis paisiblement. Un visage se dessine dans mes pensées, et un sourire sur mes lèvres. Heureux…tout simplement heureux….

Ces quelques semaines furent comme une précieuse et unique parenthèse.
Durant les premiers jours, je craignais que l'ennui ne me gagne.... mais il n'en fut rien.

Je me pris au jeu des réparations, et bien vite un véritable chantier entoura notre demeure. Du bois, des métaux, des outils, tout un tas d'objets traînaient ça et là au pied de la cabane.

Le toit me posait un véritable problème. La charpente menaçait de s'effondrer et les solives placées perpendiculairement aux murs ne pouvait supporter mon poids. Je dus donc en premier lieu les renforcer. Armés de longues tiges de métal que je plaçais aux extrémités des poutres, je faisais ainsi tenir la structure de base. Appuyé sur celle-ci je pouvais maintenant me porter à hauteur du toit, que je tentais de combler avec un assemblage hétéroclite de bois, de pailles et de métaux.

Tout cela m'amusait fortement et occupait toutes mes pensées, je ne ressentais même plus le besoin de m'entraîner et de combattre. Dire que les travaux occupaient toutes mes pensées n'est cependant pas tout à fait vrai. Du lever du soleil à son retour, la nuit tombé, il ne se passait pas une heure sans que je ne pense à elle.

Nos précieux moments complices se faisaient à la tombée de la nuit. Je la savais épuisée, mais l'envie était si forte que nous passions des heures à chuchoter pour ne pas éveiller nos compagnons. Et puis il y avait le matin. Avec son sourire espiègle que j'aimais tant, elle laissait les autres partir devant pour que nous puissions partager nos corps après avoir partagé nos âmes durant la nuit.

Les jours s'écoulèrent ainsi. Je vivais avec la tranquille certitude que rien ne pourrait entacher notre bonheur, avec la joie chaque jour renouvelée de voir son visage au réveil, de voir mes travaux avancer, et enfin de sentir son corps contre le mien à l'heure du coucher.

Puis vint le jour où mes travaux prirent fin. J'avais solidifié l'ensemble du bâtiment, et une toiture toute neuve recouvrait l'ensemble de la salle commune et du dortoir. Pour cette occasion, j'avais préparé, avec l'aide de Draygos, un festin. La soirée fut bien remplie.

A la nuit tombée, nous allâmes tous nous coucher. Cette nuit là, une terrible tempête s'abattit sur Alidhan, le vent souffla si fort qu'aucun de nous ne trouva réellement le sommeil. Et ce que je craignais arriva, au lever du matin, je sortis pour voir notre toit.....Il était dans le même état qu'avant mes efforts, éventrés dans sa largeur, laissant un trou béant.....

"Inutile de lutter contre les éléments" pensais-je....

C'était là un signe. Il me fallait reprendre les armes.

Je pris ma douce Iryllia dans les bras et je lui murmurai : "Demain je retourne au front, cette nuit nous irons ensemble à l'étang...."

Une double excitation montait en moi : celle de reprendre de nouveau les armes, et la promesse de cette soirée au bord de notre étang.... Mon corps frémissait, j'étais prêt.

C'est alors qu'une nouvelle arriva... Le coup de tonnerre était un présage, la toiture n'était rien comparé à cela....

Valesk nous quittait, il partait vers d'autres horizons....Je serrais alors encore plus fort ma douce dans mes bras....